DEVELOPEMENT DURABLE
Le Centre d’Etudes Techniques Agricole Apicoles d’Alsace représente les
apiculteurs professionnels de la région.
A la question : « Quels seraient les investissements pertinents pour augmenter la
production de miel et stimuler le développement des structures apicoles ? »
Le Cetaa répond :
1. Un meilleur accès au réseau forestier, en particulier en montagne.
2. Des aides spécifiques aux exploitations.
3. Des aides à la production régionale d’essaim et de reine.
4. L’adaptation des aides classiques à la filière apicole.
5. Des aides au contrôle des parasites de la ruche.
6. Des aides techniques supplémentaires.
7. Une aide à l’organisation de l’apiculture alsacienne.
1/ Accès au réseau forestier
1.1. Contrats ONF
Actuellement, tous les apiculteurs (professionnels, pluriactifs et
amateurs) payent pour accéder aux forêts domaniales gérées par l’ONF : 5€ par
ruche, à multiplier par le nombre de fois où cette ruche sera déplacée d’une
forêt à une autre.
-Le CETAA demande la gratuité des places en forêts en tant que
service à la pollinisation. Eventuellement via la création de contrats
annualisés concernant l’ouverture de tout le domaine domanial pour un nombre
fixé de ruches.
-A minima, ce coût devrait être abaissé (au prorata du temps de présence)
ou annualisé (prix unique quelque soit le nombre de déplacements de ruche)
1.2. Mise en place de zones de transhumance
Objectif : favoriser la production de miels de montagne et de sapin.
Une « zone de transhumance » est une zone spécifiquement adaptés et alloués
aux ruchers professionnels. Elle permet de faciliter le travail de l’apiculteur
en lui permettant d’obtenir un ou plusieurs emplacements adaptés à ses besoins.
En alsace, il y a des difficultés récurrentes à l’obtention de tels sites,
notamment dans le massif vosgien. En effet, les emplacements situés en montagne
sont rarement conformes aux besoins de la profession. Plusieurs raisons à cela
: forts dévers, absence de place pour les manoeuvres ou encore contraintes
liées à la présence d’autres usagers de la forêt. Les professionnels ont de
grandes difficultés à accéder rapidement et de façon satisfaisante sur les
sites intéressants.
- La profession souhaite une meilleure disponibilité des zones de
transhumance par secteur forestier (domanial et privé). Eventuellement aménagés
en fonction des besoins de la profession et mis à disposition ou loués aux
apiculteurs professionnels.
Sites potentiels : Places de dépôt, place de retournement éventuellement
disponible, accotements le long des chemins forestiers (s'ils sont de niveau :
il suffirait d'un minimum d'entretien si ce n’est pas le cas).
Besoins de la profession :
- Une zone de déchargement dégagée, débroussaillé, permettant la
disposition des ruches autour du véhicule
- Un accès aisé au rucher : sol stable, place de retournement…
- Une surface d’environ 40 m² (mise en place d’environ 50 ruches)
- Un bon ensoleillement de la place et une ouverture vers le sud
Précisions :
-les zones qui nous intéressent plus particulièrement sont les zones de
montagne ainsi que le piémont (collines sous vosgiennes).
-et dans une moindre mesure, les forêts de plaine pour le Tilleul ou la
préparation à l’hivernage,
-les peuplements forestiers visés :
o Châtaigniers (premiers versants des massifs vosgiens)
o Acacias (plaine et versants)
o Tilleuls (plaine et versants)
o Sapin pectiné (Abies alba, à toutes les altitudes)
- la largeur des routes (emprise des routes) : accès et possibilité de
déposer des ruches le long des chemins à circulation restreinte.
Argumentation :
- Les professionnels ne dérangent pas les activités forestières (chasses,
tourisme, exploitation forestière) : ils sont équipés pour effectuer leur
transhumance efficacement (un seul voyage). Ils sont parfois équipés de
balances électroniques, envoyant à distance les informations nécessaires pour
planifier leurs visites.
- Cela ne coûte pas grand chose pour les forestiers et apporte beaucoup
pour les apiculteurs.
- L’Allemagne a mis en place une directive tout à fait similaire dans leurs
forêts domaniales, facilitant le placement des ruchers professionnels et semi
professionnels.
2/ Aides matérielles aux exploitations
FranceAgriMer propose 3 types d’aides : « Aide au développement et au
maintien du cheptel », « Aide à la transhumance », « Aide aux ruchers écoles ».
-Le CETAA souhaite la création d’aides spécifiques aux mielleries, pour les
équipements qui ne sont pas déjà éligible au règlement européen. La profession
considère que le matériel listé ci-dessous permet de favoriser la qualité et la
production de miel ainsi que la pérennité des exploitations apicoles.
2.1. Les équipements de sécurité et d’ergonomie en miellerie
L’apiculteur professionnel doit travailler dans des conditions de sécurité
et d’ergonomie satisfaisante, afin de préserver sa santé. Les opérations
suivantes peuvent être améliorées par le matériel listé (listes non
exhaustives) :
-Manutention des hausses de miel
- Apilift (médaille d’or apimondia 2009)
- Chariots de miellerie
- Api hand
- Potences pneumatiques RB + pince
-Manutention des fûts de miel
- Gerbeur électrique 1200 kg
- Pince à fûts (sur fourches élévateur ou sur grappin)
-Extraction du miel
- Chaines d’extraction intégrées (rationnalise le travail en miellerie et
diminue les besoins de manutention).
- Pompes à miel
-Amélioration de la qualité du miel et de son conditionnement
- Appareils de filtration du miel (Type Filtre inox à chaussette ou à poche
sous pression)
- Appareils conditionnement du miel (doseuses volumétriques, tables
tournantes)
- Étiqueteuses automatiques
- Ouvertures de nouvelles prises en charges par la Caisse
d’Assurance-Accidents Agricoles
- Prise en charge des tenues de protection « piqûres » (combinaison,
voilettes)
- Prise en charge de « gilets de froid » (type : Cryovest®), permettant de
travailler pendant les grandes chaleurs.
2.2. Mise en place d’un réseau de balances électroniques
Les « balances électroniques interrogeables à distance » permettent de
suivre en temps réel les variations de poids des colonies d’abeille et donc
d’ajuster au mieux les interventions sur les ruchers. Cela évite des
déplacements inutiles (économie de carburant et préservation de la tranquillité
des lieux) et permet de réagir au mieux à la détection d’une miellée.
En Allemagne, le réseau waldtrachtbeobachter (www.stockwaage.de) réunit 70
balances de ce type. Le vice-président des apiculteurs professionnels
d’Allemagne a récemment présenté au CETAA le fonctionnement de ce réseau, lors
d’une formation sur la production de miel de miellats : Lorsqu’une miellée est
détectée par l’une des balances du réseau, tous ses membres peuvent apporter
des ruches (parfois alignées sur plusieurs centaines de mètres). Ces pratiques
permettent d’augmenter le nombre de ruches sans diminuer la quantité de miellat
récolté par ruche.
Le groupe du CETAA est donc sensibilisé à l’utilisation d’un tel
équipement. Actuellement, moins d’un quart des apiculteurs du CETAA est équipé
de balances. Elles ne sont pas réunies en un réseau accessible à l’ensemble des
membres.
- Le CETAA souhaite équiper ses membres avec ce matériel (liens avec le
point 11.5 du Plan Gerster, éventuellement avec le point 9.1). Un équipement
collectif d’un groupement professionnel permettrait une évolution sensible des
outils et des comportements de travail sur ces miellées, grâce à la gestion
collective des données informatiques.
Objectifs : favoriser la production de miels de miellats. Acquérir des
données sur le fonctionnement de ces miellées particulières. Dynamiser et consolider
le fonctionnement du CETAA.
Ce matériel est déjà accessible, individuellement, via FranceAgriMer. La
possibilité de création de dossiers collectifs FAM pourrait également permettre
de réaliser ce projet.
2.3. La protection des ruchers contre le vol
Contexte : Le coût du miel et la difficulté à en produire favorisent une
recrudescence de vol de ruches ou de vol de miel ou de reines.
- Mise en place d’aides à l’acquisition de matériel antivol pour sécuriser les
ruchers. (point 6.5 du Plan Gerster). Voici deux exemples (liste non
exhaustive) :
- Piège photographique automatique équipé de flash infrarouge. Permet de
photographier à leur insu les personnes accédant aux ruchers équipés. Matériel
utilisés dans la profession apicole ainsi que chez les trufficulteurs.
- Système de géo-localisation des ruches volées (type BeeGuard®)
En 2012, le CETAA a organisé une commande groupée de ce matériel. Mais le
cout d’un appareil (400€ avec les
équipements complémentaires) limite l’adhésion des membres. Un appareil permet
la protection d’un seul rucher d’une exploitation.
3. Favoriser la production régionale d’essaims et de reines
Contexte :
Il n’y a pas assez de producteurs locaux pour satisfaire la demande locale
en essaims et en reines. Plusieurs centaines d’essaims sont importés chaque
année en alsace.
Les exploitations alsaciennes sont orientées vers la production de miel, en
partie parce que la région ne correspond pas à la configuration idéale pour
produire des essaims (les régions les plus adaptées sont celles disposant de
vastes régions forestières avec une faible densité de ruche et d’urbanisation)
et en partie en raison du plus faible coût de production des essaims dans les
pays de l’Est de l’UE. Ces importations massives d’essaims posent des problèmes
de qualité des élevages, de génétique présente sur le territoire ainsi que,
éventuellement, de problèmes d’hygiène ou d’introduction de parasites nouveaux
(malgré la surveillance réalisée par les services vétérinaires).
- Imaginer des aides favorisant les producteurs locaux de reines et
d’essaims (point 5.6 du Plan Gerster).
-Aider l’achat de reines inséminées, de matériel d’élevage, voir de la
location des services d’un inséminateur professionnel.
-Réfléchir à la mise en place un label régional, certifiant la qualité du
travail réalisé point 15.1 du Plan Gerster). L’ANERCEA (Association Nationales
des Eleveurs de Reines et des Centre d’Elevage Apicole) travaille actuellement
sur l’écriture d’un tel cahier des charges.
4. Des aides adaptées à la filière
Des aides spécifiques sont accessibles lors de l’adhésion à un signe de
qualité (Bienvenue à la ferme, IGP Miel d’Alsace, Agriculture Biologique, …).
Il pourrait être demandé de réfléchir à l’adaptation des aides « classiques » à
la filière apicole : de considérer que tout apiculteur professionnel qui
s’installe bénéficie des mêmes aides bonifiées (DJA, …) de zone défavorisée. Si
cela est peut-être adapté aux autres filières qui ont un lien fort au sol, en
apiculture, les producteurs sont logés à la même enseigne par le jeu primordiale
des transhumances qu’ils résident en plaine ou en montagne. Le PDRH ne prévoit
qu’une seule mesure agroenvironnementale MAE 214 H en destination des
apiculteurs. Ne bénéficiant pas de surface agricole, aucune autre mesure ne lui
est destinée. Par ailleurs, en Alsace si la mesure a pu être inscrite en 2011
au DRDR, elle n’a pas pu être effective par manque de financement. Or le seul
bénéfice de la pollinisation de nos abeilles justifierait une aide au maintien
à l’apiculture à l’image des aides au maintien à l’agriculture biologique. Par
ailleurs le calcul des aides au prorata des surfaces est toujours défavorisant
pour les agriculteurs hors sol comme l’apiculteur (exemple : aides en AB, CAB,
MAB, SAB, …).
5. Aides au contrôle des parasites de la ruche (Varroose)
Objectif : Favoriser la survie des colonies d’abeille en favorisant un
contrôle efficace des parasites de la ruche
Contexte : Le principal facteur corrélé aux pertes de ruches est le mode de
traitement utilisé contre le parasite de l’abeille appelé varroa destructor.
Afin de maintenir en vie les colonies, il est indispensable de traiter
correctement, chaque année, contre ce parasite. Actuellement, le médicament
Apivar® est le moyen le plus efficace par rapport à ses modalités d’application
pour réaliser cet objectif. Les traitements Maqs®, ApilifeVar® et Apiguard®
constituent un second choix pertinent et alternatif (utilisable en Bio). Les
méthodes biotechniques (essaims artificiels, piègeage, …) sont par ailleurs
fortement souhaitées pour complémenter ces traitements alternatifs moins
efficaces que l’Apivar®.
La Chambre d’Agriculture d’Alsace forme et informe les apiculteurs sur le
fonctionnement de ce parasite et les modes de traitements pertinents. Elle
participe également aux essais de l’ITSAP visant à développer de nouveaux
moyens de contrôle (deux nouveaux médicaments sont prévus à cours termes).
Le cout de ces médicaments (environ 4€ par ruche) constitue un frein à sa démocratisation parmi les
apiculteurs. Les Départements 67 et 68 soutiennent depuis plusieurs années la
filière apicole en subventionnant l’achat de médicaments anti-varroa.
Cependant, ce soutien est plafonné et son mode d’application concerne
essentiellement le milieu amateur. Selon les exploitations apicoles, cela
représente de 800 à plus de 3 000€ de charges annuelles.
-Réfléchir à la mise en place d’aides complémentaires, pour les
exploitations professionnelles.
6. Aides techniques
La profession souhaite la mise en place d’aides techniques, plutôt que des
aides matériels.
La mise en place d’un technicien apicole à la Chambre d’Agriculture
d’Alsace a constitué une première avancée en la matière. Son travail porte sur
le suivi de la filière, le montage de dossiers et de documents de références
(enquêtes, réunions, suivis, essais techniques …), la formation des apiculteurs
professionnels et amateurs ainsi que la diffusion d’informations techniques,
scientifiques et réglementaires.
-En complément de ce travail, l’apport d’un spécialiste de la santé des
colonies d’abeilles permettrait de répondre à des attentes spécifiques visant à
améliorer l’état sanitaire des colonies d’abeilles :
o Apporter un soutien au niveau vétérinaire :
- par la mise en place d’audits d’élevages à visée sanitaire
- par du conseil
- par des visites sanitaires régulières de terrain
- par la mise en oeuvre d’analyses de laboratoire pertinentes
(échantillonnage, modalités de prélèvement, choix de la technique de
laboratoire)
o Rechercher des explications aux situations d’affaiblissements/mortalités
des colonies d’abeilles vécues sur le terrain, en particulier en période
hivernale
o Rechercher des explications aux variabilités intra et inter-ruchers
concernant l’état sanitaire et le développement des colonies d’abeilles.
o Suivre avec attention les foyers de maladies présentant un risque
collectif.
o Définir les méthodes de prévention et mettre en place des plans
d’assainissement.
Ce travail peut tout à fait s’inscrire dans la professionnalisation de
l’encadrement du sanitaire, prévue dans le plan Gerster (évolution des GDSA,
rattachement au GDS France, organisation des visites sur la base d’une analyse
de risque, …). Ce spécialiste pourrait être doté des moyens techniques et
financiers pour conduire des analyses pathologiques et toxicologiques, afin
d’apporter des éléments concrets à la profession (aspects « santé des abeilles
» et « protection des consommateurs »).
Note : Nous avons deux personnes qui nous semblent prédisposées à conduire
de telles missions, en la personne de M Wendling Sébastien, vétérinaire
spécialisé sur l’abeille (formation DIE Apiculture et pathologies apicoles) ou
encore en la personne de M Donzé Benoît, ancien du BNEVP.
7. Organisation de l’apiculture en Alsace
La structuration des instances apicoles alsacienne doit continuer à évoluer
afin de permettre à chaque partie de la filière d’être reconnue et entendue
(professionnel, pluriactif et amateur). Le CETAA doit trouver toute sa place
dans la représentativité de la profession en appui de la Chambre d’Agriculture.
Minoritaires en nombre de personnes, les apiculteurs professionnels et semi
professionnels n’en restent pas moins les détenteurs d’un nombre de ruche
conséquent (au moins 50% des ruches en alsace). L’indicateur de
représentativité d’une filière ne devrait plus être le nombre de membres d’une
structure, mais bien la production dégagée par ses membres.
Des aides financières directes à notre association permettraient de
garantir une certaine pérennité dans les moyens que l’on se donne dans un
contexte local difficile. Avec une vingtaine d’apiculteur au départ, le CETAA
Alsace a su s’imposer dans le milieu apicole alsacien malgré la précarité de
ses moyens.
o Des aides financières directes à l’association du CETAA Alsace
permettraient de développer les volets spécifiques suivants :
- Animation/coordination de la filière.
- Communication de la filière professionnelle : logo, banderoles, tracts et
design général de campagne de communication pour la promotion du miel, ainsi
que du métier d’apiculteur.
- Appui aux projets d’installation en apiculture professionnelle.
- Conseil aux apiculteurs sur les techniques de production et les
techniques d’élevage.
- Amélioration du suivi de la qualité des reines : suivi et comparaison des
performances des colonies des exploitations professionnelles afin de réaliser
une sélection massale à l’échelle de la région et non plus uniquement au niveau
de chaque exploitation, individuellement. Evolution possible vers un centre de
testage en génétique, en accord avec les conclusions du plan Gerster.
- Financements partiel d’analyses de miels, de pollens, d’abeille ou encore
de cire. Objectifs : suivi de la qualité des produits de la ruche, autocontrôle
dans la profession (origine et qualité des produits mis sur le marché), suivi
de la qualité des intrants en apiculture.
Précisons sur le type d’analyses souhaitées : des analyses de qualités des
cires (pureté, présence de contaminants, …) ; des analyses sur les résidus
présents dans les pollens collectés par les abeilles ou encore des analyses sur
les agents pathogènes présents dans les ruches (ce qui rejoint le point 6 «
assistance technique »).
Par exemple, le CETAA a réaliser, par le passé, des analyses de cires qui
ont permis de révéler les pratiques frauduleuses d’un « cirier » (fabricant de
cires gaufrées). Cependant, le CETAA ne dispose pas des moyens suffisants pour
réaliser chaque année de tels travaux, malgré un intérêt certain dans la
surveillance de la qualité des produits de la ruche ou des intrants en
apiculture (cire, sirops, …).
Citons l’exemple de l’Isère, où le Conseil Général participe depuis
quelques années au financement des analyses et des travaux liés à l’existence
de 4 ruchers observatoires, véritables bio-indicateurs de la qualité de
l’environnement.
Voici les principaux éléments issus de la réflexion sur le développement
durable de l’apiculture, avec les apiculteurs professionnels du CETAA Alsace et
recensé par Alexis Ballis conseiller apicole de la Chambre d’Agriculture
alsacienne.
|